Un PLUI durable pour réinventer la Ville – Motion d’Urgence

 

Conseil municipal du 28 juin 2018

Motion d’urgence

Un PLUI durable pour réinventer la Ville.

 

Le réchauffement global de la Planète et les dérèglements météorologiques vont croître considérablement d’ici la fin du XXIème siècle ; et cela ne fait plus débat. Dans ce contexte, les projections climatiques pour la France métropolitaine prévoient à la fois une augmentation de la température, une hausse du niveau de la mer et une augmentation de la fréquence et de l’intensité d’événements extrêmes (pluies intenses, vagues de chaleur…). Autant de phénomènes qui auront des impacts forts sur les villes qui n’échapperont pas à l’influence de ces changements climatiques qui engendrent notamment des îlots de chaleur urbains — caractérisés par des hausses de température parfois importantes dans le centre par rapport à la périphérie et qui entraînent dysfonctionnements et inconfort. Ce phénomène est dû à l’accumulation d’un certain nombre de facteurs : la densité urbaine, la circulation automobile, la minéralisation excessive et le déficit de végétal et d’eau dans les espaces publics.
Dans ce contexte, de nombreuses questions se posent. Quels seront les effets locaux, sur une ville comme celle de Rouen, du changement climatique global ? Comment évolue le microclimat urbain lorsqu’une ville se développe ? Quelle sera l’énergie nécessaire pour assurer le confort thermique des habitants ? Comment évolueront les émissions de CO2 ? Quels en seront les impacts sur notre santé ? Comment adapter notre structure urbaine au changement climatique ? C’est à toutes ces questions que va devoir répondre de façon pérenne notre Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) et ce, bien au-delà des intentions qui trop souvent ne résistent pas aux lobbies des promoteurs immobiliers. L’opinion publique est maintenant consciente de cette situation. Elle aspire à cette transformation de notre espace urbain.
Deux exemples concrets :
Le 8 juin dernier, lors d’une réunion à l’Hôtel de ville, dans le cadre de la maison du projet, des étudiants de l’école d’architecture de Rouen en Master nous ont restitués leurs travaux sur une opération de résidentialisation des ponctuels Nord sur le quartier de la Lombardie sur les Hauts de Rouen. Nous avons toutes et tous alors constaté leur capacité à appréhender la ville à la fois dans les enjeux de la solidarité et du vivre ensemble mais aussi dans la détermination d’inscrire leur démarche dans une réflexion autour d’une ville durable qui s’adapte au défi du réchauffement climatique. De même, dans le cadre de l’appel à projets citoyens « Vos idées font Rouen » que nous avons lancé sur notre territoire communal, la plupart des 115 projets que nous avons reçus mettent en avant une volonté de construire une ville soutenable qui privilégie la présence du végétal et de l’eau tout en favorisant les équipements qui permettent de développer les déplacements doux.
Alors que devons-nous faire ? Incontestablement ne pas attendre que soit voté notre futur PLUI, ni qu’aboutisse la COP 21 locale – ils constituent à l’évidence deux réponses structurantes – car l’urgence est plus qu’avérée.

1 – Lutter contre la trop forte minéralisation de nos espaces publics.

Un des objectifs que nous partageons est la lutte contre l’étalement urbain. Tous les 10 ans, nous consommons en urbanisation l’équivalent d’un département français. Les terrains rendus artificiels (routes, urbanisation, équipements) représentent près de 10 % de la superficie de la France et s’étendent régulièrement. Ce phénomène atteint toutefois une progression inquiétante, dont nous mesurons désormais les effets néfastes pour l’environnement mais également pour celles et ceux qui ont fait ce choix et tout particulièrement par le surcoût
lié à leur mode de déplacement. C’est le résultat du modèle pavillonnaire, tant apprécié des Français, qui s’est développé partout sur le territoire, parfois en remplacement des immeubles d’habitation. C’est aussi le résultat du développement des zones commerciales périphériques qui détruit de façon quasi irréversible des parcelles agricoles qui nous manqueront cruellement dans les années à venir. Entre 2000 et 2016, la croissance des surfaces commerciales en France a été de 3 % par an alors que le PIB n’a augmenté que de 1,5 %.
La réponse à ce phénomène est de reconstruire la ville sur la ville en densifiant nos coeurs urbains. Nous le faisons d’ores et déjà à la Luciline et nous nous apprêtons de le faire dans le futur quartier Flaubert. Avec la Métropole, nous reconstruisons notre coeur de ville et à l’ouest se développe une nouvelle ligne de transports en commun : la T4. Cependant, beaucoup font le constat d’une trop forte minéralisation alors qu’il faudrait développer de façon beaucoup plus volontaire la végétalisation qui nous permettrait de lutter efficacement contre les îlots de chaleur qui, si nous ne le faisons pas suffisamment, entraîneront des hausses de température comprises entre et 4 et 8° au coeur même de nos métropoles.

2 – Limiter le développement de la route au profit des transports en commun, du ferroutage et des déplacements doux.

Le domaine du transport représente à lui seul 34 % des émissions de CO2, ce qui en fait le secteur le plus polluant devant l’industrie qui ne représente paradoxalement que 24 % des émissions de gaz à effet de serre. Mais à ces enjeux écologiques, viennent également s’ajouter des enjeux économiques. Car dans ce domaine, réduire la pollution est bien souvent synonyme d’économies. Bien évidemment, le développement des transports en commun est réel sur notre agglomération même si beaucoup reste à faire notamment sur les Plateaux Nord ou pour désenclaver certains quartiers périphériques. On assiste également à l’essor des déplacements doux avec la mise en place d’un réseau plus performant de pistes réservées à la pratique du vélo ou avec la mise en place progressivement de la ville 30. Cependant, là aussi beaucoup reste à faire et tout particulièrement en favorisant partout la pratique du vélo y compris sur les couloirs réservés aux TEORs.
Cependant, un projet, à lui seul ternit les efforts consentis par notre Agglomération et réduit quasi à néant les ambitions du PLUI et de la Cop 21 locale : le contournement EST dont l’utilité en terme de réduction des pollutions sur notre ville est mineure. Au-delà de tout ce qui a été dit sur ce sujet, il provoquera la destruction de zones naturelles ou agricoles, la production de 50 000 tonnes supplémentaires de CO2 par an au sein de l’agglomération et un étalement urbain inéluctable alors que des solutions concrètes et soutenables existent. En effet, il faudrait finaliser la réalisation du « Contournement Ouest » envisagé dès 1996 par la réalisation au plus vite de la tête Nord du Pont Flaubert dont les études sont prévues par le Contrat de Plan Etat Région mais aussi moderniser, recréer et renforcer les liaisons ferroviaires entre la Métropole Rouen Normandie et les différents territoires avec lesquels nous sommes fortement liés.

3 – Vers une nouvelle conception du développement économique qui respecte et protège la biodiversité.

Lorsque nous nous sommes lancés dans le zéro Phyto, nous avions la conviction que cela permettrait de maintenir voire de renforcer la biodiversité dans notre ville. C’est dans ce même mouvement que nous avons transformé notre politique de restauration scolaire. Dans ces deux cas, au-delà de la préservation de notre écosystème, nous avons permis, par le développement d’activités agricoles en filières courtes, et parfois au sein même de notre ville, la création d’entreprises et d’emplois locaux non délocalisables. De la même façon, nous assistons à une mutation de l’économie qui se compile aux nouvelles aspirations des jeunes générations dans leur capacité à repenser leur avenir professionnel. Cela se traduit par un essor très important de l’économie sociale et solidaire. Les dynamiques en faveur de celle-ci mais aussi du développement durable répondent toutes deux à l’aspiration de la population à des pratiques éthiques : produire et consommer autrement, prendre en compte les urgences sociales et écologiques, replacer l’humain au centre des préoccupations… Voilà ce que doit traduire dans ses aspirations et dans son règlement notre futur PLUI. Un urbanisme au service d’une économie humaine et de proximité. Par contre, il faut absolument bannir ces zones spécialisées qui n’offrent qu’une accessibilité automobile, affichant un bilan carbone en transport qui s’avère désastreux par rapport à celui des centralités d’agglomération.

4 – Réinventer notre habitat.

Face au réchauffement climatique, des modifications s’imposent pour le logement. Le logement doit être considéré, par son poids considérable dans le réchauffement climatique (l’habitat est la 2ème source d’émissions de CO2 après les transports), comme un impératif pour préserver notre Planète. Lutter contre le réchauffement climatique suppose donc de modifier nos habitudes, nos modes de fonctionnement (moyens de transports, modes de consommations, etc…) mais également de construire des habitats écologiques (sobre en énergie permettant de réduire les émissions de CO2).
En observant le parc immobilier actuel au sein de notre ville, les nécessités de repenser la conception des bâtiments neufs et surtout, de rendre l’habitat ancien plus économe, semblent évidentes. Toutes les étapes du cycle de vie des bâtiments doivent être pensées en fonction d’une moindre consommation d’énergie et d’un meilleur respect de l’environnement. L’habitat, pour être écologique, doit être économe en ressources (énergétiques, en eau), construit dans des matériaux à faible impact environnemental ; le comportement des usagers dans leurs logements doit l’être tout autant. Il faut également se pencher plus attentivement sur l’habitat collectif : plus économe en énergie, en espace et en matériaux que l’habitat individuel. Ce type d’habitat plus compact, offre notamment une surface de contact avec l’extérieur bien plus réduite que l’habitat individuel, limitant ainsi les déperditions de chaleur en hiver. L’isolation elle aussi doit être une des priorités pour le logement de demain. Construire efficace et non polluant sont les objectifs de la construction de demain afin de préserver l’écosystème et de diminuer au maximum les dépenses d’énergie. Beaucoup de choses restent donc à faire même si les bailleurs ont déjà réalisé des travaux importants dans leur parc de logements. Le futur réseau de chaleur des Hauts de Rouen s’inscrit aussi dans ce mouvement. Les investissements de la ville pour isoler ses bâtiments publics a permis de réaliser de fortes économies mais surtout de produire beaucoup moins de CO2. Mais il va désormais falloir aider l’habitat individuel ainsi que les copropriétés, végétaliser nos toits et promouvoir les fils verts dans nos rues, imposer la récupération des eaux pluviales dans toutes les nouvelles constructions et repenser le logement comme un outil de mixité sociale et intergénérationnelle.

5 – La maitrise d’usage au service d’une ville réinventée.

Il n’y aura pas de transformation de nos villes ni de nos agglomérations sans mobiliser réellement les forces vives citoyennes. Nous avons su le faire avec la création des Ateliers Urbains de Proximité. Mais nous voyons bien que ces nouvelles méthodes de co-élaboration des projets qui mettent au cœur de la réflexion la maîtrise d’usage se heurtent trop souvent à des exécutifs qui revendiquent leur droit à « l’arbitrage » intimement lié au caractère représentatif de nos institutions pourtant à bout de souffle. C’est pour cela que les élus de Rouen ont voté, à l’unanimité, la proposition de mettre en place une charte de la concertation dans notre ville mais également dans notre Agglomération Rouen Métropole. Cette motion a donc pour vocation de permettre que, dans le cadre de notre PLUI, nous nous engagions collectivement pour les générations futures en faisant que ces objectifs s’inscrivent pleinement et durablement dans nos intentions et dans nos règlements à venir. Que nous construisions, au-delà de nos différences une ville soutenable qui s’inscrive définitivement dans le mouvement planétaire des métropoles fortement engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique et les dérèglements qui en découlent. Ça ne pourra que rendre notre ville plus attractive en privilégiant les ilots de fraicheur aux îlots de chaleur, les déplacements doux aux déplacements en voiture, en réinvitant la nature dans toutes nos rues, en réintroduisant l’eau au coeur de nos espaces publiques, en multipliant les jardins partagées, en réintroduisant la production dans nos villes et en favorisant les créateurs, en inscrivant notre urbanisme et notre production de logements dans une volonté de protection de la biodiversité et d’une réduction drastique de l’énergie, en devenant une ville zéro déchet, en multipliant les projets participatifs de production de logements et enfin en faisant de notre ville et de notre agglomération une grande « fabrique urbaine » démocratique avec et pour les habitants.

 

 

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