MOTION D’URGENCE PRÉSENTÉE AU CONSEIL MUNICIPAL DU 2 OCTOBRE 2017
En plein été, sans concertation avec les représentants des secteurs concernés, le gouvernement d’Édouard PHILIPPE reconnaissait vouloir geler les signatures des « contrats aidés » afin d’en diminuer le nombre. Loin d’être parfaits, ils ont le mérite d’orienter de nombreuses personnes vers des emplois valorisants sur le plan individuel et utiles à la société. Cette décision démontre malheureusement la profonde méconnaissance du gouvernement de la situation du tissu associatif en France.
C’est un véritable coup de massue porté à la cohésion sociale, à l’insertion professionnelle, au bon fonctionnement du service public et à la vitalité des associations qui assurent au quotidien des missions d’intérêt général. Si la Ville de Rouen en tant qu’institution n’est pas particulièrement impactée, ayant peu d’emplois aidés dans ses effectifs, nombre de collectivités, souvent rurales, sont déjà mises à mal par cette décision, notamment sur le fonctionnement quotidien des établissements scolaires. Et ces collectivités, fragilisées par 10 ans de baisses de dotations de l’Etat, n’ont souvent pas d’autres choix pour assurer leurs missions de service public, que de faire appel aux contrats aidés. Et les nouvelles annonces du gouvernement concernant les mesures budgétaires prises à l’encontre des collectivités, ne vont pas arranger la situation.
A Rouen, où plus de 1600 associations ont leur siège, le tissu associatif de notre territoire est fortement impacté par cette décision. Ce sont finalement des structures sportives, culturelles, de solidarité, de l’insertion professionnelle qui risquent de mettre la clé sous la porte ou de ne plus pouvoir assurer leurs missions à la hauteur des besoins. En effet, les plupart des emplois aidés permettent à des structures de solidarité, environnementales, sportives, culturelles, à des collectivités locales, d’assumer des services utiles à la communauté. Ces emplois loin d’être inutiles ou inefficaces entretiennent au contraire le lien social, la solidarité, l’accès à la culture, à l’éducation et au sport. Ils constituaient en outre un moyen de mettre en œuvre la transition écologique, objectif du ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot.
Alors qu’il serait nécessaire de réaffirmer le soutien aux acteurs qui contribuent à la cohésion sociale, le « plan social » consistant à sortir des « contrats aidés » constitue une grave erreur. Au-delà de la dégradation du service public et de la situation de l’emploi à vocation sociale, cela ne pourra qu’aviver des tensions déjà palpables dans la société, qui conduisent certains vers des extrêmes destructeurs.
Ces associations se tournent aujourd’hui vers les collectivités pour demander des subventions leur permettant de maintenir leurs emplois et d’assurer leur survie. Mais les collectivités territoriales, qui vont encore connaître de nouvelles coupes budgétaires, ne pourront pas compenser intégralement, et verront sur leur territoire disparaître des structures associatives. A titre exemple, depuis 2007, la Ville de Rouen a perdu plus de 23 millions d’€ de dotations de l’Etat, décisions de coupes budgétaires venant tant des gouvernements de Nicolas Sarkozy que de François Hollande.
On nous annonce que la priorité est à la relance de l’économie et au désendettement public. Pourtant, contrairement à ce qui a été annoncé, le coût moyen d’un emploi aidé pour l’État se situe entre 7000 et 15 000 euros par an selon les secteurs. À titre de comparaison, le CICE qui représente une perte de recette moyenne pour l’État d’environ 25 milliards d’euros par an depuis sa mise en service aurait permis de créer ou de maintenir entre 150 000 et 250 000 emplois selon les sources, soit un coût minimum de 100 000 euros par emploi créé ou sauvegardé. Le coût du CICE par emploi est donc 10 fois plus élevé que celui des emplois aidés.
Si on prend en considération que la personne qui bénéficiait d’un contrat aidé se trouvera au chômage ou au RSA, on constate que non seulement la collectivité ne fera aucune économie avec la fin des emplois aidés, mais elle fragilise en plus la situation professionnelle et personnelle de centaines de milliers de salariés tout en déstabilisant le terreau associatif d’utilité sociale, culturelle, sportive ou environnementale. Comment l’Etat compte-t-il prendre en charge les centaines de milliers de personnes qu’il vient de transformer en chômeurs, sans formation et sans débouchés, et ce sans la moindre concertation ?
Après les réductions drastiques des ressources allouées aux collectivités, c’est là un coup de massue supplémentaire bien inutile et même dangereux socialement. En supprimant drastiquement au cœur de l’été, une large partie de ces emplois aidés, c’est toute la France des périphéries, des banlieues, des campagnes, des quartiers populaires, que l’on laisse orpheline d’activités et de service et que finalement l’on appauvrit encore.
Ainsi, le conseil municipal demande au Gouvernement d’annuler sa décision de mettre un terme aux emplois aidés dans le secteur non-marchand et de suspendre celle concernant le secteur marchand.