Article du Paris-Normandie du 17 avril 2014
Portrait d’adjoint. L’écologiste, en charge de la santé et de l’environnement, a un joli parcours de vie sous sa discrétion naturelle.
Pour celui qui suit la politique à Rouen, Françoise Lesconnec est un visage bien connu. Toujours présente, toujours là, mais toujours en retrait. Elle n’aime pas la lumière des premiers plans et préfère rester à l’ombre des larges d’épaules de son parti, Europe-Ecologie-les-Verts. Au premier rang desquels Jean-Michel Bérégovoy, dont elle a toujours été proche et avec lequel elle est entrée en politique par le biais du syndicalisme. « Je suis plus réservée par nature, mais ça ne me pose aucun souci. Je n’ai pas d’ambitions personnelles et Jean-Michel représente bien notre mouvement ».
Une discrétion naturelle qui se nourrit d’une admiration. « Quand j’ai rejoint le parti en 2003, il y avait Claude Taleb, Guillaume Grima et Jean-Michel Bérégovoy. Je me suis dit « Ouah ! » Avec ces trois-là, leurs qualités de discours, de réflexion, je me suis dit « On est les rois du monde ». » Mais les rois ne sont pas les derniers à déchoir. En 2011, c’est le fameux divorce avec les socialistes. Grima est viré par Fourneyron, les copains démissionnent dans la foulée. Un confrère présent ce soir-là au conseil se souvient : « Ça se voyait qu’elle en avait gros sur la patate. Objectivement, elle avait commencé à faire du bon boulot au sein de sa délégation [elle était adjointe à la petite enfance, NDLR] et elle était très appréciée des services ».
Seule dans sa petite chambre d’hôtel
Ce serait peut-être ça, Françoise Lesconnec en une formule : la discrétion efficiente, ou plutôt l’efficience discrète. « Ça a été dur pour elle de lâcher le travail entrepris en plein milieu du mandat mais elle l’a fait. »
Toujours compliqué de réduire une vie à quelques centaines de signes. S’appuyer sur des moments sûrement plus signifiants que d’autres. Ainsi le départ de Brest, la ville dans laquelle elle a grandi. Dans un milieu « protégé » du centre-ville « très bourgeois ». Après une adolescence « formidable » – les fameuses seventies, « Je confirme c’était bien la meilleure époque » – elle n’a pas 18 ans quand elle s’inscrit au concours de l’école normale des instituteurs à Rouen. « Je devais être paresseuse, nous avions regardé avec une copine, c’était là où il y avait les meilleures chances de réussir entre le nombre d’inscrits et le nombre d’admis. » Sauf qu’elle n’anticipe pas du tout l’éloignement. « Je me souviens très bien, j’étais toute seule dans une petite chambre d’hôtel près de la gare quand j’ai su que j’étais reçu et ma copine non, j’ai réalisé que je me retrouvais là toute seule. Ça a été une grande rupture. »
Elle est dans la dernière promo non-mixte, à « l’école des filles », celle qui va bientôt être reconvertie par la Matmut en centre des congrés, hôtel, spa… « Moi qui venais de la Bretagne, une région pilote pour la mixité, où j’avais toujours eu une bonne bande de copains, ça faisait bizarre. Et je ne sais pas si j’oserais vous décrire l’internat mais c’était les années 30… Il y avait encore un bal pour que l’on se rencontre avec les garçons de l’école des instituteurs. Au cas où l’on se marierait, ça ferait bien », sourit-elle.
Une plage sans le bruit du ressac…
Les premiers stages, elle découvre à la Mare-Rouge du Havre « la réalité sociologique ». « Des gens dans une détresse terrible. Ça a renforcé ma fierté d’être institutrice. » Elle ouvre une parenthèse de dix ans dans sa carrière d’institutrice en devenant éducatrice. Puis la referme en devenant enseignante spécialisée pour
l’enfance inadaptée quelques années durant. Depuis 20 ans, elle enseigne en maternelle sur les Hauts.
Une dernière tranche de vie, du genre qui cause. En mars 1978, l’Amoco Cadiz repeint sa Bretagne en noir. «Je suis allée nettoyer les côtes. J’ai bien senti l’odeur. Et surtout le silence total. On n’entendait plus le ressac. Ça marque dans la chair ». Comme quoi, l’engagement peut (encore) être beau quand il ne vient pas de nulle part…
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