En matière de climat, les accords politiques, si tant est qu’ils soient contraignants, sont bien sûr fondamentaux pour faire évoluer les comportements à l’échelle des Etats et des entreprises. Mais au-delà des actions politiques, ce sont les engagements et initiatives citoyennes qui sont le véritable socle d’une transition sociétale aujourd’hui plus que jamais nécessaire, si l’on veut protéger notre planète et le vivant. Car la transition, c’est dans chaque instant de nos quotidiens, chaque habitude de vie qu’elle doit se mettre en marche, doucement, durablement. Cette idée est au cœur de nombreux mouvements depuis plusieurs années, comme les Colibris ou Alternatiba, collectif grâce auquel le Village Mondial des Alternatives se tiendra à Montreuil, les 5 et 6 décembre.
Pendant la COP21, le groupe Décidons Rouen vous propose de vous faire (re)découvrir des projets qui voient le monde différemment. Qui, chacun à sa manière, font avancer les choses, et œuvrent pour une société plus juste, pour la résilience, pour le bien vivre ensemble.
On oublie souvent à quel point les enjeux climatique impactent directement la production de nourriture, et l’inverse. Pourtant, comme le rappelle le directeur général d’ACF dans cette interview publiée hier, ces deux questions sont intimement liées. Pour garantir la sécurité alimentaire dans les années à venir et malgré les bouleversements climatiques à prévoir, il est important de réapprendre à consommer, à manger, et bien sûr à faire la chasse au gaspillage !
La Tente des Glaneurs est une association créée en décembre 2010 par Jean-Loup Lemaire, conseiller de quartier à Lille dans le quartier de Wazemmes. La première « Tente » s’est ouverte dans la rue Jules Guesde, l’une des rues les plus animées du quartier et plus particulièrement les dimanches, jours de marché. La famille de la Tente des Glaneurs s’est agrandie, et compte à ce jour 29 tentes en Belgique, en Espagne et bien entendu en France. Le marché de Wazemmes est le 2ème plus grand marché d’Europe. Chaque dimanche, ce sont 50 000 personnes qui viennent se promener et faire leurs courses entre les étals des 650 commerçants.
Pour Jean-Loup, le fondateur, l’idée est partie d’un constat simple : chaque dimanche, jusqu’à 4 tonnes de produits, trop abîmés pour être vendus mais toujours parfaitement comestibles, sont jetés en fin de marché. Une aberration qui poussait chaque semaine des dizaines de personnes à batailler dans les bennes à ordures pour repartir avec les meilleures pièces. L’association cherche donc à institutionnaliser le glanage, à faire l’intermédiaire entre la rue et les glaneurs, pour éviter la violence du glanage sauvage, compétitif. Ceux qui seraient d’ordinaire “contraints de participer à la triste rondes des fins de marché”, ou n’oseraient même pas y prendre part, y trouvent un refuge et un lieu d’approvisionnement. Car l’association se positionne comme relais social, convivial, familial et personnalisé grâce au travail des nombreux « collaborateurs bénévoles » qui y consacrent leur dimanche. Ici, on la joue collectif, on se sert dans ce qui aurait été jeté (ce qui arrange bien les commerçants qui payent une taxe sur les déchets laissés au sol en fin de marché), et on partage !
Cette association et ses actions ouvrent une réflexion plus large encore, sur la gestion des ressources et les modes de consommation.
Pour Pierre Rabhi, “Le citoyen sans salaire et sans ressources perd toute réalité sociale ; il est réduit à l’état d’indicateur du niveau minimal de la prospérité nationale. Cette “fonction” est si bien intégrée dans le paysage social que l’indignation que cette situation devrait susciter s’en trouve neutralisée. Dorénavant, c’est à l’aide sociale procurée par l’Etat, les organisations caritatives, ou la société civile qu’il devra la prolongation d’une présence au monde qui peut difficilement être considérée comme une vie.”
Le glanage peut, justement, être un instrument de “retour à la vie”. A travers cette pratique, chacun peut soit exprimer son désaccord, son malaise, proposer de nouvelles habitudes de consommation. Ou bien s’alimenter, se vêtir, être acteur de son approvisionnement et reconquérir par là une place dans la société que cette dernière refuse d’accorder aux plus démunis.
Avec le glanage, on repense notre manière de jeter,et de considérer les « rebuts », à la fois matériels et humains. A la poubelle, à l’oubli collectif, et à l’obsolescence programmée, on oppose des regroupements alternatifs et positifs.
Alors oui, le glanage est une vraie piste de réflexion vers une société soutenable, économiquement, et socialement. C’est un réel outil de consom’action et de reconquête de la souveraineté alimentaire, individuelle comme collective, et ça, les glaneurs de la Tente l’ont bien compris !!
Retrouvez la Tente des glaneurs de Lille
et dans notre région, à Caen !