Conseil municipal du 21 mars 2016
Intervention sur la motion LR vidéosurveillance de Stéphane Martot
Monsieur,
Je vais répondre à votre motion sur la forme et sur le fond.
Sur la forme, je constate que dans le 1er paragraphe vous vous appuyez sur des chiffres de la délinquance qui concernent le département de la Seine maritime et vous enchaînez sur Rouen en faisant l’amalgame avec les chiffres du département. Intellectuellement cette façon de faire est particulièrement critiquable. Vous cédez à la facilité par démagogie en amalgamant les chiffres qui concernent le département en faisant croire qu’ils concernent la ville de Rouen.
Sur le fond, le moins qu’on puisse dire c’est que dans cette motion le représentant des républicains vous annoncer clairement la couleur : celle-ci est bleue marine et sans nuance.
Vous décrivez dans votre Motion une situation apocalyptique que nous vivrions à Rouen. Je sais que les faits dramatiques auxquels vous faites référence ont existé, des faits que vous instrumentalisez politiquement en cédant encore une fois à la facilité et à la démagogie.
Bien-sûr qu’il y a sur Rouen des crimes et des délits, mais franchement, honnêtement, vivons-nous dans un climat d’insécurité généralisé à Rouen ? Avez-vous vraiment cette image de notre ville dans la tête ?
Tout cela est très excessif et vise à faire peur, à entretenir sciemment le sentiment d’insécurité pour espérer en retirer des bénéfices électoraux.
Je suis convaincu que si vous contactiez votre collègue député Les Républicains représentant des français aux États Unis il vous obtiendrait le soutien du triste sir Republicain Donald Trump, ce dernier signerait votre motion sans problème.
Décidément, la sécurité est une question bien trop importante pour la laisser entre les mains des sécuritaires. On se souvient tous de la suppression des postes de policiers quand votre leader Sarkozy était président de la république. Il y a les effets de manches dans les conseils municipaux, et il y a la réalité, et celle-ci est implacable concernant votre mauvais bilan sur ce sujet.
Et ce n’est pas par hasard que j’ai cité Donald Trump car il est le révélateur d’une dérive de la droite républicaine américaine , qui cumule à peu près tous les défauts à mes yeux et dont on sait qu’elle influence aussi la droite française sur au moins trois sujets : l’économie, la culture sécuritaire et les questions sociétales.
Avec les États Unis, le pays qui est allé le plus loin dans la mise en place de la vidéo surveillance c’est l’Angleterre, la sphère anglosaxonne.
Et d’ailleurs Margaret Tatcher ,une de vos références politiques, a lancé ce vaste programme d’installation des caméras de vidéosurveillance pour notamment surveiller les grèves de 1984 comme l’indiquent ……dans un article de 2015 un groupe d’étudiants journalistes du site lejournalinternational.fr Alexis demoment et Elliot maccarinelli qui posaient la question suivante dans leur article :
Pourquoi une telle profusion de caméras ? Le Royaume-Uni a toujours été précurseur de leur utilisation. Les premières caméras étaient provisoires et ont été utilisées, en 1960, pour s’assurer du bon déroulement des manifestations de foules. Par la suite, dans les années 70, les caméras ont servi pour surveiller le trafic sur les autoroutes et les carrefours, où de nombreuses infractions étaient commises. La vidéo-surveillance du trafic routier s’est réellement étendue dans les années 80. Parallèlement, encouragée par le gouvernement de Thatcher, la police utilisera de plus en plus de caméras. Elles servaient en particulier pour surveiller la grève des mineurs de 1984.
Donc vous nous indiquez que vous ne faites pas d’idéologie dans votre Motion, vous avez essayé d’être malin mais cela n’a pas fonctionné : c’est bien une motion du parti Republicain, un parti libéral économiquement et sécuritaire. Assumez-le ! Vous voulez un monde à la surveillance généralisée, un monde dans lequel on devrait percevoir l’autre comme quelqu’un à suspecter en permanence.
Mais peut être que vous faites de l’idéologie sans le savoir et là, c’est encore plus grave, c’est inquiétant pour vous, c’est aussi inquiétant pour notre pays.
Dans votre Motion, je ne la lâche pas des yeux, vous allez même jusqu’à convoquer les attentats pour justifier votre demande de plus de vidéosurveillance.
Eh bien, précisément, la ville de Paris est fournie en caméras de vidéosurveillance, que ce soit sur l’espace public, dans les transports en communs, les banques, et j’en passe, et précisément, ces caméras n’ont pas empêché, malheureusement, les attentats.
Et J’en reviens à la ville de Londres où il y a des caméras en nombre très important et qui a subi malheureusement des vagues d’attentats, comme celui dans un bus il y a quelques années.
Les anglais eux-mêmes ont remis en cause leur choix. Comme l’indique Dominique Pecaud, sociologue et chercheur à l’école polytechnique de l’université de Nantes, en 2012 dans la rubrique du journal le monde : lesclesdedemain
« Depuis 2002, toutes les enquêtes sérieuses ont montré son inefficacité dans la lutte contre l’insécurité des espaces publics. La Grande-Bretagne qui fut pionnière en la matière, démantèle ses installations urbaines, les considérant trop chères en termes de résolution d’affaires judiciaires, et inutiles pour prévenir la délinquance et l’explosion de la violence urbaine. »
La vidéo surveillance n’est pas la panacée, et elle est extrêmement coûteuse.
Ne nous imaginons pas qu’installer des caméras permettrait de faire des économies, car plus on installe de caméras, plus il faut du personnel devant les écrans.
Nous avons au contraire besoin que les policiers soient sur le terrain, nous avons aussi besoin d’investir fortement dans l’éducation nationale, dans nos écoles, nos lycées et nos collèges, plutôt que de supprimer les bourses départementales comme vous le faites dans le département 76.
Le contexte actuel doit nous faire prendre des mesures nouvelles allant dans le sens du soutien aux politiques éducatives et de solidarité, ne mettons pas notre argent pour encore plus de caméras. Le département 76 doit renforcer les équipes dans les centres médico sociaux, avec plus d’éducateurs de prévention, nous devons soutenir encore plus les associations de terrains qui effectuent un travail de prévention, nous devons – je parle à toute la gauche – assumer ce que nous sommes : des militants de l’éducation populaire, des militants de la construction du lien social, des militants de l’égalité des chances, des militants aussi de la justice sociale, des militants des politiques de prévention qui ont été combattues par la droite sous Sarkozy. Nous savons aussi que la répression est parfois nécessaire. Quand des individus portent atteinte aux autres, qu’ils volent ou tuent, il est normal que la sanction tombe. Nous savons que nous devons marcher sur nos deux pieds, l’éducatif d’abord et le répressif quand il n’y a plus de solutions.
Être de gauche n’a jamais été de refuser la répression, c’est une caricature collée injustement à la gauche, même si nous sommes d’abord et avant tout des éducateurs acharnés, des militants du vivre ensemble.
Je sais que le sujet dont nous débattons est un sujet difficile, complexe, mais nous savons tous que rien ne remplacera la présence humaine, certainement pas des caméras de vidéosurveillance.
Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas cette motion qui ne défend que l’axe sécuritaire.