Conseil municipal du 20 novembre 2017
Voeu
Ce jeudi 16 novembre, la déclaration d’utilité publique pour le projet de contournement Est a été annoncée.
Dans un contexte d’urgence climatique et de période difficile pour les finances publiques, cette annonce, qui fait un pas de plus vers la réalisation de ce contournement, nous semble déraisonnable et d’un autre temps.
Est-ce responsable financièrement ?
Les présidents de la Métropole, de la Région et du Département de Seine-Maritime se sont engagés à financer la moitié de l’infrastructure au côté de l’Etat et à compenser le retrait du département de l’Eure. Soit un total de plus de 400 millions financés avec de l’argent public.
Et c’est là que le bât blesse ; Est-ce sérieux d’investir de telles sommes dans une infrastructure qui, bien que financée à plus de 50% par l’argent public, sera déléguée au privé et dont le montage financier fait apparaître la nécessité d’une subvention d’équilibre, versée par les collectivités au concessionnaire, dans le cas où les recettes ne couvriraient pas l’ensemble des coûts de construction et d’exploitation[i] ? Redevance qu’il est impossible aujourd’hui d’estimer ; qu’en sera-t-il de la réalité du trafic sur cette infrastructure, qui dépend du montant du péage dont nous n’avons pas connaissance aujourd’hui ? Trafic qui déterminera le montant de la redevance éventuelle à verser au concessionnaire.
Et la perspective de ce péage fausse les estimations de trafic de 20.000 à 30.000 usagers, qui avaient été établies lors du débat public de 2005, avant que la nécessité d’un péage soit décidée. Le rapport du débat public de 2005[ii] estimait même que « La mise à péage du contournement Est aurait pour effet direct de diminuer son attractivité et donc de réduire ses effets : environ 40 % du trafic de transit qui aurait emprunté le contournement gratuit n’emprunterait pas un contournement payant. » Car s’il restait encore un doute, Philippe Berg, le directeur de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), a clarifié les choses à l’occasion de la première réunion de l’enquête publique de 2016 consacrée au projet de liaison A 28-A 13 « Le choix n’est pas de savoir si le contournement Est sera gratuit ou pas, le choix est de savoir si nous voulons un contournement à péage ou pas de contournement du tout ! ».
Les Normands pourraient être ainsi amenés à payer trois fois :
- une première fois dans le cadre du financement initial ;
- une seconde en tant qu’usagers de l’infrastructure ;
- une troisième au travers de leurs impôts pour participer à combler le déficit.
Le seul gagnant de cette opération serait le concessionnaire privé qui se verrait ainsi attribuer une rente sur les deniers publics, pendant 55 ans, au moment où l’Etat serre les ficelles de la bourse des collectivités.
Est-ce sérieux au vue de l’urgence climatique ?
La future loi d’orientation des mobilités semble vouloir donner la priorité aux transports du quotidien et à la rénovation de l’existant – qui souffre cruellement d’un manque d’investissement depuis de nombreuses années – comme le réseau ferroviaire secondaire abandonné au profit de grands projets de type LGV. Pourtant l’Etat envoie le signal inverse en déclarant d’utilité publique un projet d’infrastructure qui détruirait 516Ha d’espaces, générerait 50.000 tonnes de CO2 en plus par an et favoriserait le développement de la périurbanisation et donc la consommation de terres agricoles. Le tout en total désaccord avec les engagements pris par la France lors de la COP 21 de 2015 à Paris.
La priorité doit être donnée aux équipements permettant de réduire nos émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et répondant aux besoins de déplacements quotidiens économiques, faciles et fiables. La LNPN doit être priorisée, ainsi que le développement des transports en commun. Une ligne de transport rapide, un bus à haut niveau de service, une ligne en site propre, coûte dix fois moins cher qu’une autoroute avec des taux de report modal de 15 %, avec pour conséquences de redonner du pouvoir d’achat aux automobilistes qui délaissent la voiture et de baisser la pollution.
Pour les camions en transit qui n’ont pas lieu de traverser les villes, un arrêté préfectoral suffit à les détourner, si l’on met en place les moyens de contrôle nécessaires comme cela a été fait pendant un an à Rouen, suite à l’incendie qui avait entraîné la fermeture du pont Mathilde en 2012. N’aurait-il pas été plus sérieux de tout simplement prolonger davantage ce dispositif en obligeant les camions à utiliser le contournement Ouest de Rouen ?
Il y a une réelle urgence à engager notre territoire dans une transition écologique. En 2018, se tiendra à l’échelle métropolitaine une conférence climatique, « COP21 locale » permettant d’engager avec un maximum d’acteur la concrétisation d’actions afin de réduire l’empreinte écologique de la Métropole. Le soutien à la réalisation du contournement Est y est totalement contradictoire.
Ainsi, notre groupe appelle la Métropole, le Département de Seine-Maritime et la Région Normandie à prendre leurs responsabilités en cette période d’argent public rare en se désolidarisant du projet de Contournement Est. Financer ce projet revient à signer un chèque en blanc pendant 55 ans à un futur concessionnaire, et va à contre-courant des objectifs la conférence climatique territoriale, qui se tiendra sur notre Métropole en 2018.
[i] P167 du rapport de l’enquête publique de 2016
[ii] P96 du rapport du débat public de 2005