Pour une Ville Respirable…
L’Union européenne a donné son accord mercredi 28 octobre à de nouveaux tests dans le secteur automobile. A partir de septembre 2017, les seuils d’émission des moteurs diesel seront assouplis, et les véhicules pourront produire plus de deux fois plus d’émissions polluantes que la limite officielle jusqu’alors fixée à 80 milligrammes/kilomètre, et déjà deux fois supérieure aux préconisations de l’OMS. Cela au grand dam des professionnels de la santé et des associations et ONG qui luttent contre les dégâts croissants de la pollution atmosphérique sur les organismes vivants. Suite au scandale consécutif aux révélations sur les pratiques contestables de certains constructeurs automobiles, beaucoup pensent, à l’instar de l’eurodéputé Yannick Jadot, qu’il s’agit là d’une récompense pour ceux qui ont triché. Sans aller jusque-là, nous nous demandons jusqu’où iront les gouvernements européens dans la négation d’un véritable enjeu de santé publique.
Rappelons que cette pollution entraîne des dizaines de milliers de morts par anticipation par an au sein de l’Union européenne ; il est confirmé depuis plusieurs années par la communauté scientifique qu’elle est l’une des principales causes de mortalité cardiorespiratoire, et qu’elle s’attaque par ailleurs aux mêmes organes que le tabac, ayant également un rôle dans la multiplication des risques de cancer des poumons et de la vessie. Les particules en suspension sont d’ailleurs considérées par l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) comme des tueurs directs, ayant un effet immédiat sur l’organisme, les gaz à effet de serre étant eux des tueurs indirects, étant donnée leur durée de vie beaucoup plus longue dans l’atmosphère. Pour illustrer cette analyse, l’Institut explique par exemple qu’à Londres, après l’épisode de pollution intense de décembre 1952, 17 000 décès « en excès » furent recensés jusqu’en février 1953.
À l’échelle de notre ville et de notre agglomération, ce sont plus de 120 décès par anticipation par an, sans parler de la recrudescence des épisodes pneumo-bronchiques, voire de l’asthme, et des allergies chez les personnes âgées, les enfants et tout particulièrement chez les nourrissons.
La réduction des niveaux de polluants gazeux et particulaires dans l’air est donc aujourd’hui indispensable[i]. Pourtant, en pleine connaissance de ces données, notre gouvernement n’a cessé ces dernières années d’encourager le trafic routier aux dépends du ferroviaire, en abandonnant l’écotaxe, ou avec la généralisation des lignes de bus « low-cost », évoquée lors du dernier conseil municipal, par exemple. Pire, alors qu’il est aujourd’hui prouvé que les particules fines sont les plus nocives pour la santé et l’environnement, seul un « rapprochement » entre les fiscalités de l’essence et du diesel est envisagé aujourd’hui, et non un alignement. Pourtant, selon l’Inserm, « chaque année d’attente fait payer à notre société un important coût sanitaire, (mais aussi) économique et financier », estimé en France à 131,3 millions par an[ii] uniquement pour les cancers des voies respiratoires.
De nombreuses agglomérations Française ont déjà adopté des plans de limitation de la circulation lors des pics de pollution. Certaines vont plus loin, en restreignant l’accès aux centres villes de manières pérenne. A Paris, Anne Hidalgo a fait de la propreté de l’air une priorité, et la capitale propose par exemple d’accompagner financièrement les habitants dans leur transition de la voiture individuelle aux transports en commun, ou au vélo.
La santé des Rouennais fait partie de nos responsabilités les plus importantes, il est donc indispensable que nous prenions nous aussi des mesures concrètes pour lutter contre un trafic routier intensif et contre l’augmentation des risques liés aux polluants atmosphériques. La Métropole Rouen-Normandie s’est engagée dans le cadre de l’appel à projets Villes Respirables à créer des zones de circulation restreintes. A l’échelle municipale également, il est urgent que nous repensions véritablement les déplacements urbains, parce que les citoyens n’ont pas à subir le lobbying des grandes firmes automobiles, ni à payer de leur santé le prix de décisions politiques et économiques irresponsables !
Considérant toutes ces problématiques, le Conseil Municipal demande au Maire :
- De prendre des mesures de limitation de la circulation en ville lors des pics de pollution et de systématiser à ces occasions la gratuité des transports en commun et des Cy’clic.
- D’accélérer la mise à disposition de moyens à la hauteur des engagements pris dans le cadre de l’appel à projet Villes Respirables.
- De mettre en place une politique d’information[iii] des Rouennais quant aux dangers de la pollution atmosphérique et aux alternatives possibles à la voiture individuelle pour leurs déplacements quotidiens.
[i] Revue Prescrire, Pollution atmosphérique : augmentation de la mortalité par insuffisance cardiaque aiguë, Avril 2015
[ii] Commissariat général au développement durable, Estimation des coûts pour le système de soins français de cinq maladies respiratoires et des hospitalisations attribuables à la pollution de l’air, p.29, avril 2015
[iii] Recommandation officielle de l’Inserm, Effets sanitaires de la pollution atmosphérique, Rapport de R.Slama et de l’Equipe d’épidémiologie Environnementale appliquée à la Reproduction et à la Santé Respiratoire, 29/05/2015
Le groupe Décidons Rouen
Une réponse
[…] des associations environnementales, malgré les motions d’urgence votées en conseil municipal (9 novembre 2015 & 6 février 2017), malgré les alertes de l’Europe et du corps médical, les politiques […]