Conseil municipal du 9 janvier 2018
Motion d’urgence présentée par le groupe Décidons Rouen
Appel à la création d’une Charte de la Concertation.
Les décisions que nous prenons et devons prendre en tant qu’élu.e.s résultent de notre mandat, découlent de notre programme et de nos engagements. Ce qui fonde notre légitimité à agir au sein de la municipalité : c’est le pacte Républicain que nous avons conclu avec les citoyen.ne.s. C’est la confiance qu’ils nous ont accordée par le vote qui nous autorise à faire.
Alors on observe, aujourd’hui comme hier, qu’à tout niveau de prise de décision, notre régime tout en représentation permet, parfois, à la classe politique de se désolidariser du socle populaire et d’agir en Prince. Ce n’est pas un reproche, car bien souvent, c’est aussi ce qu’attend la population de ses représentant.e.s.
Et si l’exécutif se doit en effet d’être en mesure d’agir rapidement, suivant l’urgence, il doit aussi lorsque c’est nécessaire, savoir prendre le temps, celui de la réflexion, de la concertation, de la co-élaboration. C’est une demande de plus en plus prégnante au sein de notre société. Et cette demande, nous nous devons de l’entendre et de la transcrire par des actes. Car jusqu’à aujourd’hui, la souveraineté nationale appartient au peuple qui ne l’exerce que par ses représentant.e.s.
En 1789 l’abbé Sieyès l’exprimait ainsi :
« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » [1]
Or les aspirations d’une majorité de nos concitoyen.ne.s ont changé, car les temps ont aussi changé. A l’heure des réseaux sociaux – ou devrait-on dire, à la minute – les échelles temporelles ont été totalement bouleversées. Le peuple, comme le désignait Sieyès, dans sa très grande majorité – loin de nous l’idée d’oublier ceux qui n’en ont pas les moyens – a désormais accès à toute information de façon quasi-instantanée. Les citoyen.ne.s ont toujours besoin de leurs représentant.e.s pour les affaires courantes, mais sont désormais tout à fait en capacité de prendre part au débat. Et elles.ils cherchent d’ailleurs à se faire entendre, ne se privent pas pour le faire, et c’est heureux. Mais dans le même temps, et ce pourrait être là un paradoxe, les taux de participation aux dernières échéances électorales restent médiocres.
On pourrait y voir un désintérêt pour la démocratie représentative, sans pour autant y voir une perte d’intérêt pour les questions politiques. Il devient évident que les citoyen.ne.s réclament d’autres modes d’expression.
Il est alors de notre devoir de mettre en place des systèmes plus proches de la démocratie directe. Notons, qu’à l’instar de plusieurs grandes villes (Grenoble, Rennes, Paris), ce sujet a déjà bien été travaillé dans notre Ville.
En effet, pionnière en terme de démocratie participative, nous avons mis en place une politique de co-élaboration avec les forces vives citoyennes qui associent les expertises d’usage et technique aux projets politiques, comme c’est le cas avec la concertation sur les rythmes éducatifs, l’appel à projet citoyen, les Ateliers Urbains de Proximité et la mise en place de Conseils de Quartiers, ou encore avec la réflexion sur l’élaboration du PLUI pour ce qui concerne l’intercommunalité.
Cependant, il faut également en faire le constat, rien de tout cela n’est facile dans une Ville de 100 000 habitants et encore moins dans une Métropole de 500 000 habitants.
Ces derniers temps, quelques erreurs ont été commises. Que ce soit sur le chantier de la T4 ou dans le cadre du projet cœur de Métropole, certaines informations ne sont pas passées. Les projets ont parfois changé, sans nécessairement que ces changements aient pu faire l’objet d’une concertation ou d’une communication satisfaisante à l’égard des personnes consultées à l’origine.
C’est pourquoi nous demandons au Conseil Municipal la création d’une Charte de la Concertation, comme proposée par l’association Sabine, afin de systématiser et normaliser les relations entre les collectivités et les citoyen.ne.s ; cette charte pourrait concerner l’ensemble des politiques d’aménagement de l’espace public sur notre territoire communal. Parce qu’il est nécessaire que les associations, au même titre que les expert.e.s, ainsi que toutes les personnes compétentes puissent être informées, associées et entendues sur les projets qui se construisent sur le territoire communal.
La société civile veut être entendue, elle devra l’être, nous en sortirons toutes et tous gagnants. C’est le prix d’une démocratie apaisée, régénérée, plus aboutie et en accord avec notre temps.
Par cette motion, le Conseil Municipal réaffirme son attachement à la démocratie participative et s’engage à encourager et à proposer toutes solutions innovantes qui prennent concrètement en compte les aspirations démocratiques de nos concitoyen.ne.s.
De même, le Conseil Municipal s’engage à mener une réflexion sur la mise en place d’une charte de la concertation, qui garantisse la circulation des informations et la co-élaboration entre toutes les parties prenantes aux différents projets d’aménagement de l’espace public, et appelle à ce que cette même réflexion soit menée avec la Métropole.
[1]Discours du 7 septembre 1789 : « Dire de l’abbé Sieyes, sur la question du veto royal : à la séance du 7 septembre 1789 »