Article de Paris-Normandie du 23 avril 2014
Portrait d’adjoint. Le vert chevillé à l’âme, le blues aussi, Jean-Michel Bérégovoy est chargé de la démocratie participative.
La voix rauque, « épuisé physiquement et moralement » par la campagne, Jean-Michel Bérégovoy, tête de liste EELV et adjoint d’Yvon Robert, laisse deviner des fêlures, des souffrances au terme de 30 années de militantisme. « Je suis cash », répète-t-il. Quand il se lance sur l’écologie, le réchauffement climatique, l’UMP, les énergies renouvelables, l’homme politique s’indigne et trépigne, sursaute et tressaute, comme toujours avec sa verve, ses digressions, mais ce mandat qui commence est aussi celui qui consacre ses doutes. « Il y a besoin de nouvelles têtes, de nouvelles idées, il faut renouveler la démocratie. Quand on voit par exemple l’EPR de Flamanville, qui va coûter 10 milliards au lieu de 2, qu’on est même pas sûrs qu’il va marcher et que pendant ce temps-là, la banque publique d’investissement ne fait rien pour encourager la transition énergétique, est-ce que ça donne envie de continuer ?
La réponse est dans la question. On est partis pour régresser sur tout, les salaires, la retraite », lâche l’élu, dépité. « Je me bats, contre l’obscurantisme, contre ceux qui se moquent de l’avenir. J’espère quand même gagner quelques batailles ». Et si, malgré les figures tutélaires de son enfance, le destin de Jean-Michel Bérégovoy n’était pas politique ? Mais dans sa salle de classe de CE2, sur les Hauts, où l’instituteur garde un mi-temps. « C’est indispensable pour moi, j’aime mes élèves, mes collègues, mon métier, l’odeur de la salle de classe. J’y ai vu la plus grande fraternité et la plus grande misère, moi qui ai grandi à Grammont, qui suis fils d’ouvrier ».
« Il fallait se battre »
Le creuset familial l’a marqué sans le façonner entièrement, avec un père (Michel) député socialiste à Rouen, cheminot monté à force de volonté vers les hautes sphères de la SNCF, un oncle devenu premier ministre (Pierre), un parrain civil venu du PC et qui a marqué le PSU puis le PS (Jean Poperen). Initiatique, c’est son père qui a suscité le déclic, l’envie de combat chez Jean-Michel Bérégovoy, un jour d’hiver en 1983.
« Il m’a dit : ‘Viens, on monte sur les Hauts’. Il était député. Des gens venaient d’être saisis de tous leurs meubles, il fallait leur apporter de la bouffe, il fallait se battre pour empêcher ça. Trente ans plus tard, est-ce que ça s’est amélioré ? Non. Les réflexes de solidarité se sont étiolés, notre société est verrouillée, engluée, figée dans ses contradictions », s’indigne l’élu.
La politique :
« un refuge, une prison »
Père et fils ont ensuite eu des divergences mais ont tous deux vécus en militants, « même si c’est parfois un refuge, parfois une prison. Je l’ai payé d’un prix terrible, tant dans ma vie publique que personnelle. J’ai écrit un jour que la politique avait été pour moi un moyen de retrouver mon père. Il m’en a beaucoup voulu.
Ça fait trente ans que je milite. C’est parfois fatigant, démoralisant mais il y a parfois de vraies joies ». L’élu a commencé de militer aux jeunesses socialistes, a été un fervent syndicaliste, avant de verdir son parcours.
Amateur de rock, lecteur éclectique, fasciné par les peuples natifs d’Amérique du Nord, admiratif d’hommes et de femmes fiers, Jean-Michel Bérégovoy se compare volontiers à Cyrano de Bergerac dans ses combats :
« Que dites-vous ?… C’est inutile ?… Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non ! Non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! », clamait le héros d’Edmond Rostand. Allons, le fervent écologiste n’est pas aussi désabusé et croit surtout qu’il faut remettre le citoyen (lire ci-dessous) au cœur des décisions politiques pour co-construire l’avenir.