Article du Monde sur les cantines de Rouen

Un bel exemple d’une politique publique qui n’aurait jamais vu le jour sans le groupe des élus écologistes entre 2008 et 2011…

 

 

Macédoine de légumes, spaghettis bolognaise, yaourt sucré et raisins : rien de révolutionnaire dans le menu servi jeudi 3 septembre aux 7 000 écoliers de Rouen et de Bois-Guillaume (Seine-Maritime). Pourtant, dans la sauce préparée le mardi par la cuisine centrale, il y a de la « fierté de travailler avec les gens du coin » : les oignons, les carottes et le bœuf ont tous été produits en Haute-Normandie. « La viande a été hachée ici, de 6 heures à 10 heures du matin avant de cuire pendant deux heures, explique l’un des cuisiniers, Jean-Paul Delmas, en agitant son fouet dans une cuve en inox de 300 kg. Avant, on achetait du surgelé, on le sortait des sachets et ça cuisait plus vite, mais il y avait deux centimètres de gras sur le dessus. Maintenant, c’est de meilleure qualité. »

 

Pour soutenir l’agriculture locale, la cuisine centrale de Rouen achète 50 % de ses produits (viande, fruits et légumes, produits laitiers, farine) issus de filières courtes, bio ou durables. Un choix amorcé en 2011, lorsque la municipalité a repris la gestion directe auparavant concédée à Elior. « On reste sur un budget constant, en réinjectant l’équivalent des bénéfices du groupe dans le contenu de l’assiette », explique le directeur, Dominique Maupin. Certains aliments coûtent moins cher en passant par une association de producteurs, nommée « Local et facile », que par l’ancienne centrale d’achat. Mais ce n’est pas le cas de la volaille, du porc et surtout du bœuf. « Si on compare avec de la viande d’Allemagne, des Pays-Bas ou d’Espagne, on varie du simple au double ». Pour lisser les surcoûts, la cuisine centrale achète du bœuf « à l’équilibre » : elle commande chaque mois une douzaine de bêtes à l’abattoir, qu’elle paie 9 euros le kilo toutes pièces confondues. La viande sera servie à trois repas, sous forme de rôti pour les morceaux nobles, de bourguignon pour la qualité intermédiaire puis de viande hachée (sous forme de bolognaise ou hachis) pour les bas morceaux.

« Un débouché de plus »

Le bœuf servi dans les cantines de Rouen est payé 8 centimes de plus le kilo à l’éleveur que le prix de base à l’abattoir. Pour une vache de réforme de 300 kg, le bonus atteint 25 euros. Un complément de revenus minime, mais non négligeable pour le GAEC du Chapon, un élevage laitier de Bois-Guillaume, près de Rouen, qui envoie chaque année 100 vaches à l’abattoir, dont un tiers via ce type de filières. « C’est un débouché de plus. Toutes ces petites plus-values nous permettent de payer les charges, estime Frédéric Dutot, un des associés de la ferme, qui compte manifester son inquiétude jeudi à Paris. On a de plus en plus de mal à régler les factures, surtout l’aliment et le vétérinaire, alors que le prix du lait baisse. La trésorerie est à zéro. On fait des emprunts à court terme, en espérant pouvoir rembourser. On travaille pour rien. » Ses jeunes enfants fréquentent la cantine de Bois-Guillaume. « S’ils mangent nos bêtes, on ne peut être que satisfaits. C’est ça le développement durable. »

Assurer 100 % de viande locale dans une cantine, comme le fait Rouen, est loin d’être la norme. Une étude de l’Institut de l’élevage estime qu’en moyenne, seulement 25 % du bœuf servi par les entreprises de restauration collective est français, et 70 % issu de l’Union européenne. D’autres chiffres, repris par le ministère, évoquent jusqu’à 80 % de viande importée.

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